Rallycross de Lohéac
Saison 1976
Sources : Jean-Paul Renvoizé (Echappement - Novembre 1976)
 
Ragnotti casse, Deladrière gagne
"On a été débordés cette année, mais l'an prochain, on prévoira plus grand"... Une bonne bretonne toute épanouie, qui tenait l'une des buvettes-sandwiches n'en revenait pas ! Un peu avant 21 heures, alors que le Moët coulait à flots sur la Porsche de Guy Deladrière transformée en perchoir façon "Palais des sports", les 10 000 spectateurs attendaient que Stéphane Collaro affirme que la course était vraiment terminée maintenant pour provoquer le plus grand embouteillage que Lohéac ait connu depuis des siècles.


Il n'est plus une personne qui ne connaisse désormais en Bretagne Jean Ragnotti (le petit qui a une coupe au bol et qui va le plus vite), Henri Pascarollo (le grand barbu qui jouait à la pétanque), Mick Bird, Ron Douglas et les autres, ceux qui ont participé au tout premier Rallycross français...

Un plateau international

Divisés en deux classes de cylindrée (plus ou moins de 1600cc) les concurrents, au nombre d'une quarantaine, représentaient quatre nations.
Les 'visiteurs" étaient bien entendu des spécialistes participant, pour la plupart, au championnat européen. Côté britannique, on trouvait deux Mini Cooper 1450cc aux mains de Mick Bird et de Richard Painton et deux Escort BDA 2 litres pilotées par Ron Douglas et John Welch. Ces dernières, très allégées (880Kg environ), disposaient d'environ 240 à 250 chevaux et provenaient d'une base Broadspeed de circuit. Ron Douglas, un quadragénaire qui n'a rien perdu de son sens de l'humour et de son coup de volant (au contraire !) était le chef de file de cette délégation d'outre-manche avec Bird, et tous deux ne se sont pas ménagés pour offrir quelques remarquables démonstrations de pilotage. Welch et Painton, plus nouveaux dans la la spécialité, se sont toutefois mis au diapason sur cette piste de terre battue uniquement développant 850 mètres. Identique ou presque aux Escort britanniques, la Ford bleue aux couleurs de Samson-Shag du Hollandais Kees Hendricks emmenait la bannière d'une équipe qui n'engendrait pas la mélancolie (le mécano myope, style officier des Indes coiffé d'une casquette poulbot ornées de badges en était le meilleur exemple). René Groeneweld (Opel Kadett GT/E) était le second pilote de cette délégation.
 
La Belgique était, bien sûr, au rendez-vous avec Fons Peeters (Alpine-Renault 1800), Robert Van Ussel (Citroën Maserati SM), Chris Lambot (VW 2200 James), Paul Grieten (Mercedes 280E) et Guy Deladrière (Porsche Carrera 3l), l'un des grands favoris de l'épreuve. Toute l'ambiance rallycross se résume peut-être par cette anecdote... Guy Deladrière, qui avait violemment percuté un concurrent lors de la récente manche du championnat d'Europe à Valkenswaard (Hollande) avait dû voyager dès son retour à Mons et n'avait pas descendu la voiture de son plateau. Sachant qu'il devait venir à Lohéac, Chris Lambot et ses amis se sont arrêtés à son garage avant de passer la frontière. Il rentrait tout juste d'Italie. Retardés par des formalités sans fin, au poste de douane, toute la petite équipe est allée chercher la Porsche, l'ont réparé au scotch et repeinte tant bien que mal avant de reprendre la route de la Bretagne... en la tirant sur un plateau.
Hétéroclite, le clan français alignait des monoplaces d'Autocross (bien que le règlement de Rallycross n'admette uniquement que les voitures des groupes 1 à 5 équipée du bloc moteur d'origine, le règlement particulier de Lohéac était plus libéral pour cette grande première), avec des voitures plus conformes aux normes, bien qu'encore mal adaptées à cette discipline - mais dès 77, nous aurons certainement l'occasion de voir de vraies préparations Rallycross. Alain Biet (VW 2,7l), Heinrich (Fiat Abarth 1000), Gérard Lemétayer (R12 Gordini), M Peclers (Alpine-Renault 1600), M.Rouyre (Simca rallye 2), Alain Kerc (Saab V4) et aussi C.Desnée au volant d'une 2cv à moteur Mep (!) étaient venus se familiariser et glaner quelques idées pour d'éventuelles participations futures.
 


L'Alpine 1800 du Belge Fons Peeters
mène la danse devant la VW2200 de Chris.

Thierry Paillocher (Porsche 911S), Guy Chasseuil (Peugeot 504 Ti - pratiquement de série puisqu'il s'agissait d'une voiture préparée pour les rallies africains) constituaient l'avant-garde avec Jean Ragnotti qui s'était vu confier une Berlinette 1800 d'usine, sortie par Gérard Larrousse d'un coin poussiéreux de l'atelier de Dieppe après avoir séjournée là depuis 2 ans (depuis le Kenya et le Maroc elle n'avait vu le jour que pour participer aux 1 000 pistes aux mains de Turcot) et Henri Pescarolo qui pilotait une Porsche 2,7l Alméras groupe 3 équipée rallye...



Paul Grieten et sa superbe Mercedes 280E à injection.
 

Les essais et les manches qualificatives

Les premières démonstrations débutaient sous les regards compétents de quelques 1 500 fanas à l'occasion des essais de la matinée. Après les essais libres, Jean Ragnotti, au terme de quelques tours impressionnants sur la piste de terre battues, signait le meilleur chrono absolu en 37''3. L'infortuné Heinrich (Fiat Abarth) connaissait déjà ses premiers gros pépins mécaniques et ne tardait pas à abandonner, moteur "out".
En début d'après-midi, les manches qualificatives opposaient par séries de 4 tours, 4 pilotes dont les évolutions étaient chronométrées en vue de l'établissement des grilles de départs des manches à élimination directe (à partir des quarts de finale).
La série la plus intense opposait Douglas (Ford Escort 2l), Pescarolo (Porsche 2,7l) Deladrière (Porsche 3l) et Jean Ragnotti (Alpine-Renault 1800) et très vite, le rallycross a été adopté par tous les spectateurs qui ont littéralement vibré jusqu'à la dernière course de la journée.
A l'applaudimètre, le duel Douglas-Ragnotti, les esquives de ce dernier face à la SM de Van Ussel et à la Mercedes de Grieten, les démonstrations des deux Mini-Cooper de Bird et Painton opposé aux buggies ont eu le plus grand nombre de suffrages.
Gérard Lemétayer était victime d'une mauvaise évaluation de la courbe de l'arrivée et partait en tonneau. Alain Kerc, quant à lui, cassait un cardan et était contraint à l'abandon.

Bird s'impose en classe 1

Malgré de gros problèmes mécaniques (joint de culasse), Painton parvenait à aller jusqu'en finale où son compatriote Mick Bird effectuait une démonstration de classe devant les monoplaces d'Alexandre et de Langevin.



Mick Bird (BLMC mini Cooper 1450cc)
vainqueur de la classe 1
 

Ragnotti casse et Deladrière gagne

Les courses les plus chaudes s situèrent en classe 2 (plus de 1600cc) où Ragnotti n'eût que la solution de rendre la monnaie de la pièce à Douglas pour poursuivre son fantastique rodéo.



Un des duels au sommet : Jeannot Ragnotti et Guy Deladrière.
 

La finale C se résumait à un festival britannique Douglas et Welch l'emportant facilement.
Après des déboires avec van Ussel (SM), Jean Ragnotti poursuivait son ascension, mais une fuite à la boîte donnait les premiers signes avant-coureurs d'une fin de course problématique. Thierry Paillocher qui s'était fort bien comporté sortait et perdait toutes ses chances de bien figurer tandis que Guy Chasseuil, compensant son manque de puissance par un pilotage de très haute volée parvenait à décrocher une très belle 10e place derrière les deux Escort 2 litres BDA. Un autre représentant tricolore s'était hissé parmi les meilleurs : Alain Biet et sa coccinelle à moteur 2,7l. Il était éjecté en l'air par l'imposante Mercedes de Paul Grieten qui récidivait une série de poussettes et se voyait à cette occasion disqualifié parle Directeur de Course.
La finale mettait aux prises Henri Pescarolo qui avait "tranquillement" mené sa Porsche groupe 3 au premier plan, Kees Hendriks (Escort BDA 2l) qui a su tirer son épingle du jeu, Guy Deladrière et sa très puissante Carrera 3l et jean Ragnotti bien parti pour disputer ferme la victoire au pilote belge qui ne parvenait pas à contenir les assauts de la berlinette (comme en témoignent les chronos).



De gauche à droite : Kees Hendriks, Guy Deladrière et Jean Ragnotti...
pour la fête du Rallycross.
 

Jean Ragnotti parti à l'extérieur était le plus prompt à entrer dans le premier droit malgré la place à la corde de Guy Deladrière. Un bruit sinistre annonçait la fin des espoirs pour la victoire de la berlinette. Jean était passé par ses trois adversaires et l'Alpine s'immobilisait dans le virage suivant : transmission cassée. Guy Deladrière n'avait plus de soucis et l'emportait facilement tandis que Kees Hendriks conservait un maigre avantage sur Henri Pescarolo dont la performance à Lohéac est remarquable.
La super-finale, mettant en lice les 4 meilleurs de chaque catégorie revenait une nouvelle fois à Guy Deladrière.

La fête du sport automobile a marqué cette naissance du rallycross en France et dès la saison prochaine, de grands évènements se préparent... Une nouvelle discipline est née, c'est tellement rare !