Rallycross : Hier et aujourd'hui... | |
Saison 1976
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Texte et photos :
Jean-Paul Renvoizé et Eric de Merkline |
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Il s'appelle Cees Teurlings, il est Hollandais, il a 23 ans et pilote une VW Coccinelle à moteur Porsche 3 litres. Personne en France n'a entendu parler de lui ou presque. Il est pourtant champion d'Europe 1975 de rallycross et s'est payé le luxe de battre sur la terre les Blomqvist, Waldegaard et autres Eklund... En France, cette spécialité est inconnue - en tous les cas pas pratiquée - et pourtant sept de nos voisins européens en font l'équivalent de la F1 et des grands rallyes. La répartition se fait presque essentiellement autour de la mer du Nord puisque les nations représentées dans le championnat d'Europe (organisations, pilotes, circuits et championnats nationaux) se trouvent en Angleterre, en Belgique, en Suède, en Finlande, en Hollande, en Allemagne occidentale et en Autriche. | |
Une course de
rallycross se déroule sur un circuit permanent et fermé dont le
développement varie généralement entre 1 000 et 2 000 mètres, corde à
droite. La piste se partage presque également entre la partie goudronnée (50
à 60 %) et la partie en terre battue (40 à 50 %). D'année en année
désormais, les pilotes retrouvent leurs habitudes sur ces pistes homologuées
pour le rallycross, d'autant que le championnat d'Europe comprend sept
épreuves réparties dans les sept pays cités plus haut. Le scénario d'une réunion est partout identique : le matin est réservé aux essais chronométrés déterminant les grilles de départ des courses. Dans chaque manche, quatre pilotes partent de front pour une série de quatre tours et chaque concurrent dispose de trois manches pour marquer des points comptant pour l'établissement du classement de l'épreuve. Contrairement aux habitudes bien établies, les auteurs des meilleurs temps partent les derniers. C'est ainsi que la grande course de la journée est la dernière de toutes. Pour un bon pilote, l'intérêt est de ne pas casser dans une manche; si c'est le cas, il doit repartir plus tôt que prévu, mais surtout, réparer très vite ! Le suspense dure de cette manière jusqu'au bout... A ce propos, il est bon de signaler les prouesses que réalisent les mécanos dans les parc fermés de rallycross. Il font de véritables prodiges, et pour eux aussi, c'est une excellente école de rapidité. |
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La réglementation Jusqu'en 75, tout était très libéral en rallycross. Il n'existait pas de limitation de cylindrée et les classements ne distinguaient ni groupes ni classes. Dans le cas de l'utilisation d'un compresseur, le coefficient multiplicateur de la cylindrée était de 1.4, mais rares étaient les voitures équipées d'un tel dispositif. Les contrôles techniques portaient uniquement sur la sécurité (réservoirs, pare-brise en verre feuilleté ou en plexiglas de 4 mm d'épaisseur minimum, canalisations de freins etc.). Pour cette saison 76, le règlement est plus strict et, s'il ne prévoit pas de limitation de cylindrée, il rend obligatoire notamment le fait de conserver la base du bloc-moteur d'origine (transformé d'ailleurs à volonté ou presque !) et impose diverses petites modifications (voir notre article ci-joint). De par ses caractéristiques, une voiture de rallycross est spécialisée à l'extrême et cette nouvelle réglementation provoque des remous, car une bonne partie du matériel est aujourd'hui périmée avant d'entamer la saison 76. |
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Les voitures Pour être dans le coup, une voiture doit obéir à certains impératifs bien spéciaux : - développer environ 100 CV/litre: - posséder un couple important à bas régime; - disposer d'une boîte de vitesses courte; - rester très maniable malgré sa puissance. Avec des puissances variant de 180 à 300 chevaux, les cocktails les plus variés sont de mise; tout est mis en œuvre par chaque concurrent pour être le plus rapide de tous au terme des sprints successifs qui caractérisent le rallycross. Les Porsche Carrera (celle de Waldegaard confirme la règle), sont rares à cause de leur manque de maniabilité en virages très serrés (contrairement aux grandes courbes où elles excellent). En revanche, les VW Coccinelles sont mises à toutes les sauces : quatre, six et parfois huit cylindres ! Les moteurs qui les équipent le plus souvent sont toutefois les Porsche. Teurlings et Riefel disposent d'un 6 cylindres RSR 3 litres ainsi que le champion Belge Guy Deladrière. Le team Marly au contraire a préféré le VW 1 700 4 soupapes porté à 2 litres. Toute la saison, les Coccinelles Porsche 3 litres se sont taillées la part du lion devant les Ford Escort. Très nombreuses parmi les plateaux d'épreuves, celles-ci sont en majorité animées par des moteurs BDA 2 litres, mais l'on rencontre parfois d'anciennes Broadspeed de circuit reconditionnées. Le britannique John Taylor, pilote d'essai chez Ford, fait briller les couleurs de l'usine depuis trois saisons maintenant sur des Escort BDA 2 litres. Le team hollandais Samson-Shag dispose quant à lui des nouvelles coques depuis leur sortie (Kees Hendriks dispose effectivement du châssis N°1 !). De très nombreux Britanniques ont opté pour la Mini-Cooper. Elles sont souvent animées par des Ford 2 000 cc. Certains nordiques (tel Stig Blomqvist) choisissent tantôt la Saab V4, tantôt la V6. Avec Blomqvist, Per Eklund, pilotes officiels de la marque, se mêlent à la lutte au sommet au volant de leurs "spéciales rallycross" développant environ 10 chevaux de plus que les voitures préparées pour les rallyes. La variété est grande et une liste exhaustive est pratiquement impossible à définir, signalons simplement les Daf à moteur BDA 2 litres ou Renault Gordini, les Opel Kadett ou Commodore GSE, les berlinettes Alpine-Renault, les Datsun, les Toyota... Quelques privilégiés sont pilotes d'usine, d'autres sont soutenus par l'importateur ou un concessionnaire, parfois par un sponsor exclusif. Démunis de toute aide financière, certains. malgré le coût élevé de cette forme de compétition (un moteur Porsche RSR 3 litres préparés avoisine les 65 000 F...), certains sont de purs indépendants et leur mérite est d'autant plus grand de lutter avec les mieux équipés... Quoique Smet disposait en indépendant d'un V. 12 Ferrari en 1974!... Cette année, la "bête curieuse" était sans aucun doute la petite Hillman Imp propulsée par un moteur Rover 3,5 litres du Britannique Nick Jesty. |
![]() ![]() Franz Wurz (VW Porsche et Lancia Stratos) |
Les teams L'engouement pour le rallycross est tel que certaines firmes n'hésitent pas à créer un réseau parallèle "rallycross" au sein de leur service compétition. C'est ainsi que depuis la mi-saison 75, le pilote belge Fillipinni dispose d'une Toyota GT 16 soupapes rallycross d'usine préparée au Japon. Le team hollandais Van Derven (paradoxalement sponsorisé par les pneus Conti TS, qu'il n'utilise bien sûr pas du tout) est efficacement soutenu par l'importateur batave VW Porsche, et Saab prépare pour les nordiques tels que Blomqvist et Eklund des voitures développant près de 185 chevaux. Samson-Shag, Avro, Fassbender-Valks, Marly, Castrol ou Randstad sont autant de sponsors disposant d'écuries efficaces se permettant de faire la pige aux usines... Les pneus La gomme utilisée est très molle. Jusqu'en 74, Firestone fabriquait des pneus spéciaux de rallycross qui équipaient 90 % des voitures avant d'arrêter brusquement leur production. Aujourd'hui, et reprenant les deux sortes de pneus (sticks et pluie à structures spécialement adaptées), Dunlop a pris le relai. Les tests effectués par Timo Makinen et Roger Clark sur le circuit hollandais de Valkenswaard (NL) se sont avérés beaucoup plus rapides sur ce style de terrain, que les pneus utilisés habituellement en rallye. Cette production adaptée au rallycross équipe maintenant 99 % des plateaux tandis qu'une infime minorité des pilotes adoptent les "MH" (marque américaine) qui ont un sens de roulement. On rencontre sur tous les circuits européens un car aménagé ("Graku-Holland") lors de chaque épreuve : c'est celui du concessionnaire exclusif. Le championnat d'Europe Animé essentiellement par la marque de cigarettes Embassy, le championnat d'Europe de la spécialité qui en est à sa troisième édition, compte sept épreuves réparties dans chacun des pays organisateurs où il existe un championnat national. Cette grande confrontation internationale est suivie avec intérêt par le public... et par les différentes chaînes de TV. Le système de classement est simple : lors de chaque épreuve, les dix meilleurs au classement scratch marquent des points selon un mode dégressif. La finale se disputait en 75 sur le circuit anglais de Lydden (près de Douvres) et le duel Riefel-Teurlings a été très serré jusqu'à cette ultime empoignade : les deux VW coccinelles étaient toutes deux équipées d'un Porsche Carrera RSR 3 litres et extrêmement bien préparées. Le pilotage était d'un très haut niveau et seule la chance a fait la différence... |
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Une bonne école Il n'existe pas de pilote Français spécialisés ou ayant participé à des épreuves de rallycross. Le seul pilote francophone de rallycross est Belge, il s'agit de Guy Deladrière (6e au championnat d'Europe en 74 et premier indépendant). S'il est vrai d'autre part qu'il existe des spécialistes à part entière, il est fréquent que les pilotes de rallye suédois ou finnois soient des rallycrossmen une moitié de l'année : dès que la période des épreuves routières est terminée, les ténors s'adonnent au rallycross, pour s'entretenir... Au vu des résultats, c'est, semble-t-il, une excellente école ! Verrons-nous prochainement en France une épreuve de rallycross ? Il est possible en effet que dès la saison sportive qui s'annonce, les spectateurs français pourront suivre une course avec la participation des meilleurs pilotes actuels. Un circuit est pressenti pour recevoir un tel plateau aux environs du mois de juillet 76... Une affaire à suivre pour tous ceux qui ont déjà vibré autour d'une piste où s'affrontaient Waldegaard, Blomqvist, Eklund, Teurlings, Riefel etc. Et les autres qui veulent découvrir comment se comportent des monstres de 300 chevaux lâchés sur la terre !... |
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Aujourd'hui Voitures admises : voitures fermées appartenant au groupe 5 actuel (sauf les 4 roues motrices). Ce qui interdit les montages plus ou moins hybrides de ces dernières années car si aucune production minimale n'est exigée ces voitures doivent avoir pour origine un modèle bénéficiant d'une homologation en cours dans les différents groupes 1, 2, 3 et 4. Elles doivent donc conserver le bloc moteur d'origine homologué sur la voiture de base sans pour cela conserver la même cylindrée. Pour le reste liberté totale est laissée au préparateur pour la mécanique et pour la carrosserie encore que certains points de sécurité soient soumis à des règles bien définies (pare-brise, supression des phares, roues de secours, siège, etc. Melk en Autriche, un petit village près de Vienne coquet comme une carte postale. Le bruit éclate, le premier moteur chauffe, les entraînements vont débuter. Pour l'instant, on se jauge, on suppute les chances de chacun pour le championnat dont la première manche est pour le 4 avril sur ce même circuit de Leru-ring. Quelques ténors de la spécialité sont là : Wurz, Bentza, Grünsteidl, Katzian et Deladrière le seul belge à avoir fait le déplacement. Le règlement 1975 ayant vécu, avec lui disparaissent les engins hybrides, les montures pour cavaliers d'apocalypse, plus de coccinelles de 280 CV ou à moteur BDA (!) fini le pouvoir de l'imagination et du génie de la mécanique, place à l'unification place à la standardisation. Wurz et Bentza ont choisi la Stratos, Grünsteidl une Alpine 310 (ex. Thérier Monaco) les autres roulent sur Porsche 911 ou 914 c'est selon les moyens!!! Sur le papier tous les avantages vont à la Stratos et Wurz ne se prive pas de le démontrer, il réalise le meilleur temps des essais, ses temps seront cependant inférieurs à ceux réalisés l'année passée sur une Volkswagen-Porsche par le même Wurz ! D'autre part Grünsteidl a prouvé qu'il fallait compter avec son Alpine et que le V6 devrait lui apporter les quelques chevaux qui lui manquent pour faire la nique aux Stratos, espérons que la rumeur devienne réalité et que le V6 soit homologué suffisamment tôt. Katzian étonne avec sa petite coccinelle gonflée en 2 litres en prenant la 4e place devant Bentza, il a misé sur la légèreté du groupe et son exceptionnelle motricité sur terre due à un emplacement favorable des masses, il prépare actuellement un nouveau moteur qui devrait vraisemblablement lui apporter les chevaux qui lui faisaient légèrement défaut cette fois. Deladrière joue de malchance dans cette course. Arrivé avec une 914 il tourne peu, juste le temps de se qualifier pour la course. Des ennuis de jantes, des ennuis de bougies, ne lui permettent pas de prendre en mains cette voiture qu'il ne connaît pas; il réalise pourtant un chrono de deux secondes inférieur seulement au meilleur celui de Wurz qui est frais et dispos et qui de plus court dans son "jardin" avec une voiture parfaitement réglée. Pour ce circuit difficile, la course de Deladrière sera malheureusement écourtée ! une pierre sectionne la conduite de retour du carter d'huile, la 914 a cependant prouvé sa valeur et Guy Deladrière n'a pas la réputation d'être un manchot !!! (5e Bandama, 4e Abidjan-Nice). La grande inconnue reste les Anglais qui ont des pilotes de grande valeur tel Chapman, Taylor et autres ! Le championnat s'annonce très animé, les dés ne sont pas jetés. |
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Portrait : Cees Teurlings A 23 ans, Cees Teurlings est devenu champion d'Europe de rallycross, succédant ainsi à John Taylor et à Frantz Wurtz. Longtemps menacé par son compatriote Dick Riefel, qui le devance d'ailleurs au classement du championnat national, il est parvenu à s'imposer aux grands rallymen et aux meilleurs spécialistes qu'il considérait jusqu'alors comme ses maîtres. Cees Teurlings a débuté en sport automobile par le rallycross il y a quatre ans au volant d'une VW 1 600 cc, spécialité qu'il n'a jamais quittée depuis. Après une saison 1972 très prometteuse, il est sacré meilleur Junior hollandais par la TV. Il est bientôt remarqué par le team Van Derven de Hapert (NL) qui met fin à sa carrière d'indépendant en l'intégrant à son équipe. Il est, en outre, mécanicien au garage Van Derven de Tilburg, dont Riefel (son rival direct au championnat 75) est le manager. Ce team est composé de trois pilotes : Riefel VW Porsche 3 litres, Teurlings, VW Porsche 3 litres et Reyners, VW Porsche 2,2 litres. A l'issue d'une saison 74 remarquable, uniquement composée de courses en Rallycross, il remporte de haute lutte, contre Riefel, le titre envié de champion d'Europe 75... Sur le fil ! Puisque cette victoire n'a été définitivement acquise que sur le dernier circuit, à Lydden-Hill (G-B). Malheureusement, le jeune champion n'a guère savouré sa victoire; sa fiancée s'est tuée dans un accident de la circulation en sortant dudit circuit de Lydden-Hill, à quelques certaines de mètres seulement de l'anneau. La voiture dans laquelle elle avait pris place en compagnie de son père (le patron du team Van Derven) et de Riefel a pris la file de droite sur l'« A2 » qui mène à Londres. Sous le coup de l'émotion provoquée par le doublé de ses poulains, le patron du team en avait oublié que la circulation se faisait à gauche en Angleterre... |
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