Bilan 78 : une saison en demi-teintes
Saison 1978
Textes : Happyglove - Photos archives (Echappement - Décembre 1978)
 
Après deux ans d'existence, le rallycross ne peut plus esquiver la question qui se pose aujourd'hui : a-t-il tenu toutes ses promesses en France ? Son avenir passe avant tout par une remise en question sincère. C'est sur cet aspect que nous insisterons avant d'examiner en détail ce deuxième Championnat.



Saby-Wambergue au coude-à-coude, surtout en fin de saison
 

Dès la première année, le rallycross connut un immense succès : d'estime auprès du monde de l'automobile et populaire auprès des spectateurs. Bien soutenu par la presse, écrite (spécialisée ou non) et télévisée, le rallycross apportait quelque chose de nouveau dans le sport automobile français comme l'avait fait un an auparavant le Championnat des voitures de "Production". De nouveaux visages, de nouvelles autos, des circuits dans toute la France, une ambiance savoureuse, le rallycross formait un ensemble attachant des luttes chaudes et intenses sur les circuits, mais une fraternité réelle entre tous les participants. La venue de pilotes étrangers, le rayonnement d'un pilote comme Ragnotti, le duel Saby-Lefèbvre, la personnalité de Daniel Gérard concourraient à apporter au rallycross une aura indiscutable. Elle était telle qu'elle permit à assurer le succès de la saison 1978. Mais était-ce suffisant ? A notre avis, cette deuxième saison de rallycross n'a pas totalement concrétisé les espoirs placés en elle. Pour quelles raisons ? En voici pêle-mêle quelques-unes sur lesquelles on reviendra : manque de têtes d'affiche, lassitude de nombreux pilotes étrangers, médiocre diversité des voitures, formule de course inadaptée.
 
Les circuits se sont multipliés à travers la France mais pas tous avec le même bonheur. Il y a le tracé bien sûr, mais aussi l'infrastructure d'accueil comme les tribunes, les gradins naturels, la lutte contre la poussière. Pour faire un circuit de rallycross, il ne suffit pas de tracer une piste au bulldozer et de dessiner des virages. Il y a certains impératifs à respecter : formes de virages, alternance, largeur de la piste, revêtement stabilisé. Faute de quoi, on assiste nécessairement à une procession, spectaculaire certes, mais pas au rallycross. Les pilotes plus rapides doivent pouvoir doubler, surtout quand leur voiture, traction avant notamment, ne leur permet pas de réussir des démarrages éclair. C'est tellement important que cela commande la survie de ce sport à son plus haut niveau. Le circuit français de rallycross tel qu'il est trop souvent conçu a entraîné un certain nombre de mutations dont les organisateurs seront en fin de compte les premières victimes. Les pilotes ont choisi des voitures totalement adaptées à ce type de circuit, c'est-à-dire qui démarrent très fort : en l'occurrence des Alpine et des Rallye 2 en classe 1 et des Porsche en classe 2. Moralité : sont désavantagés tous les possesseurs de traction avant et de propulsion classique (moteur à l'avant, transmission arrière). Comme un fait exprès, cela correspond aux Mini, aux Escort, Chevrette et autres TR7 britanniques. Pourquoi feraient-ils le déplacement s'ils sont assurés au départ de ne pouvoir triompher. Un rallycross sans tête d'affiche, sans Escort, ni Mini, avec Alpine, Rallye 2 et Porsche, ce n'est plus la même chose, Des gens comme Cresson (Scirocco 2L), Beltoise (Golf 1600), Forestier (Fiesta 1600), Marteau (R5 Alpine), Morel (Chrysler 2L) n'en ont que plus de mérite. Cela nous amène donc aux importantes modification décidées pour l'an prochain par la commission fédérale de rallycross : courses séparées des " Tourisme " et des " Grand Tourisme " avec principe conservé des classes 1600 et au-delà. Il y aura quatre catégories : " Tourisme " moins de 1600 et plus de 1600, " Grand Tourisme " moins de 1600 et plus de 1600 (voir détail plus loin). Evidemment les vainqueurs respectifs gagneront moins d'argent mais au moins celui-ci sera-t-il mieux réparti.
 


Jean-Hervé Duboust

Décision importante car elle peut sortir le rallycross français de l'impasse et à cet égard elle s'aligne sur les règles actuelles du Championnat d'Europe. C'est sous la pression des constructeurs que ce Championnat d'Europe s'était scindé en deux catégories. En France, le bon sens a suffi mais cela ne va pas assurer du jour au lendemain le succès éternel du rallycross. Voici quelques modifications qu'il serait bon d'apporter le plus rapidement possible :
- ouvrir tous les premiers virages pour éviter le principe absurde de l'entonnoir qui ne laisse filtrer les pilotes qu'un par un;
- ouvrir tous les virages serrés susceptibles de provoquer le même phénomène;
- élargir la piste au maximum et stabiliser le revêtement sur toute sa largeur;
- créer des gradins naturels pour les spectateurs;
- faire une nouvelle promotion du rallycross.

Ces modifications techniques devraient inciter les concurrents étrangers à revenir nombreux, les constructeurs français à engager de temps à autre leurs nouvelles voitures et des pilotes français à acquérir du matériel plus diversifié. Quant à la promotion, la présence de Champions comme Beltoise, Jaussaud et même Jabouille, vu à Saint-Junien cette année, réjouit fort les spectateurs.

Saby intouchable en classe 1

A l'aube de cette saison, Bruno Saby n'avait pas caché ses intentions et visait le titre. La berlinette avait montré sa compétitivité l'an dernier et après avoir hésité quelque peu, Bruno opta pour la catégorie 1 600, en estimant que Lenoir n'aurait pas la partie facile avec Touroul. La suite de la saison prouva le bien fondé de son choix. Le talent, l'expérience, le matériel n'expliquent pas tout. Gagner quelques courses, c'est une chose, les gagner presque toutes en est une autre. Saby n'avait rien laissé au hasard : voiture soigneusement révisée après chaque course, réglages précis de la tenue de route, essais méticuleux de pneus, concentration de tous les instants pour ne jamais commettre la faute ; son double titre, Bruno l'a bien mérité. Sur le plan sportif, dire que ce fut évident serait peut-être exagéré car après trois courses avec un 1 800, Philippe Wambergue revint à la catégorie 1 600. Philippe avait donné l'an dernier un aperçu de ses possibilités au volant d'une berlinette 1 800 mais, il présenta cette saison une magnifique A 310. Challenger numéro un de Saby, il connut quelques soucis mécaniques mais de toute façon, il n'inquiéta jamais réellement le Grenoblois. Aussi rapide parfois aux essais, plus même à Saint-Junien, Philippe manquait quelque peu d'expérience dans l'art du départ-canon, mais il fit étalage toute la saison d'un très beau talent, conciliant style et efficacité. On devrait le revoir l'an prochain toujours sur une A 310 mais avec un nouveau moteur... Pierre Brunetti dit "l'apache" avait repeint sa voiture : cela voulait tout dire et c'était sans doute une peinture de guerre. Pierre s'est assagi (tout est relatif !) mais la voiture est encore meilleure et surtout très fiable. Sa Rallye 2 1 600 valait une Alpine et pilotage aidant, la Simca fut un poison constant pour les Renault. A Lunéville même, le Parisien se permit de battre dans l'ordre Saby, Wambergue et Beltoise. Performance de pilote certes, mais aussi performance de préparateur. Très attiré par le rallycross auquel il avait goûté en 1977 sur une Rallye 2 du Star Racing Team, Jean-Pierre Beltoise avait eu l'idée de disputer ce Championnat 1978 au volant d'une Golf.

Excellente initiative, appuyée par les magasins "But", qui avait été rendue possible par l'expérience que possède déjà Michel Cresson, le garagiste VW d'Amiens. Celui-ci prépara pour Jean-Pierre une Golf 1 600 de 165 Ch qui, d'emblée, se montra compétitive. Fin pilote et habile mécanicien, Jean-Pierre Beltoise sut tirer des grandes qualités de la Golf, malgré le handicap de motricité au démarrage et se retrouva la plupart du temps en finale, en gagnant même une au Beaujolais après les ennuis de Wambergue, Saby et Brunetti.

Après ces quatre valeurs sûres, on retrouve des pilotes à fortunes diverses. Les autres pilotes d'Alpine (Marie, Marteil, Hommell, De Moor, Marcel) n'ont pas fait preuve de la même constance que le binôme Saby-Wambergue. Quelques coups d'éclat pour Marie et Marteil mais point de performances suivies. Expérience évidemment, mais aussi voitures plus ou moins préparées et entretenues, faute de moyens et de temps. L'Alpine 1 600 était sans doute la meilleure voiture en classe 1 cette année, mais il y a Alpine et Alpine et, il est difficile de comparer la berlinette de Saby avec celle de De Moor par exemple. Proportionnellement, le
niveau des Rallye 2 fut plus régulier : derrière Brunetti et sa 1 600, des hommes comme Dumas, surtout, et Duboust tirèrent leur épingle du jeu avec des voitures moins puissantes, certes, mais très performantes. Lammens avec une Simca à compresseur réussit quelques exploits, mais des ennuis mécaniques répétés lui interdirent toute performance suivie. Forestier et Marteau sont des cas à part dans ce concert d'Alpine et de Rallye 2. Quittant sa Ford Escort pour une Fiesta 1 600, Michel Forestier apprit à ses dépens tout ce qu'une "première" pouvait entraîner comme soucis de mise au point : rares furent les courses où il fut en mesure de disputer réellement ses chances. Mais l'homme est toujours aussi rapide et il devrait connaître l'an prochain la juste récompense de ses efforts. Quant à Stéphane Marteau, sa R5 Alpine est parvenue à un' très bon degré de maturité, mais la mise au point fut longue, et Stéphane ne put que rarement concrétiser (et maîtriser !) toute sa fougue. Encore un mot pour David Potter qui fut le seul pilote de Mini Anglais à disputer toute la saison et regrettons l'absence de Gordon Rogers et de Painton.



Morel, aux avants postes l'an prochain ?
 

Lenoir bien sûr, en classe 2

Révélation de la saison 1977, Bertrand Lenoir était avec Bruno Saby le grand favori de ce Championnat. Pourquoi ne l'a-t-il pas gagné ? Tout simplement parce que le rallycross n'est pas encore une science exacte. Heureusement ! Bertrand a connu quelques déboires (souvenez-vous de cette sortie de route à Dreux à 300 m de l'arrivée, de cet accrochage avec Bishof à Lunéville, de cette boîte cassée à Saint-Junien), mais les performances dans l'absolu étaient suffisantes pour le mener à la victoire s'il n'y avait eu... Bruno Saby. Ragnotti n'était pas là cette année mais ce n'est pas la concurrence qui manquait pour Bertrand et surtout pas les Porsche : Touroul, Greasley, Bubetz, Chapman, Vaills, Deladrière (au début). Ajoutez à cela, l'Alpine V6 de Deladrière (à partir de Dreux) et quelquefois la Stratos de Bentza et vous comprendrez pourquoi ce n'est pas si facile de gagner sa catégorie à tous les coups. En tout cas, Lenoir a prouvé cette année qu'il était un grand pilote et on aimerait bien le voir un jour dans un rallye sur terre.

Touroul était parti pour faire une grande saison mais, désappointé parfois par les chaleureux "contacts" du rallycross, le grand Raymond a poursuivi sa saison avec plus de décontraction, d'autant qu'il ne pouvait prétendre au Challenge BP-Autohebdo, pour incompatibilité de contrats. Ce fut plus l'homme des super-finales (5 000 F au bout !) que des finales. Quant aux autres Porsche étrangères, cela dépendait des jours : Greasley et Bubetz alternaient le meilleur avec le pire mais, leur grand mérite fut de présenter à chaque course des autos splendides et de ne jamais renoncer au combat. Le dernier interlocuteur valable en Porsche fut incontestablement Georges Vaills. "Jojo" (dit le gamin) par rapport à son aîné Jojo Houel, apporta panache, fantaisie, fougue au volant de sa Carrera et il ne mit pas longtemps à convaincre de ses qualités. Georges Vaills, c'est de la graine de Champion. Espérons qu'il saura et pourra mener à bien la suite de sa carrière. Sorti des Porsche, que restait-il ?... Pas grand-chose en fait. La VW Scirocco 2L de Michel Cresson, l'Escort d'Hopkins, la Chevrette de Douglas, la Chrysler de Morel, la Saab turbo de Johansson. Seul, le mauvais temps de Marville permit à Hopkins, Johansson et Cresson, dans l'ordre, de dominer les Porsche, mais dans toutes les autres épreuves, le terrain sec ne leur laissa aucune chance. A l'exception d'Hopkins, doué d'un incontestable talent que l'on n'a pas assez admiré en France, Michel Cresson et Goran Johansson ont fait preuve d'une belle détermination. La Scirocco 2L de Cresson est une voiture fantastique et on espère la revoir l'an prochain dans la catégorie " Tourisme " plus de 1 600 et dans quelques rallyes sur terre.

Ce nouveau règlement devrait également convenir à Marcel Morel dont la Chrysler 2L, difficile à conduire il est vrai, dispose d'une mécanique exceptionnelle.
 

Ce qui va changer en 1979

1. Quatre catégories au lieu de deux : "Tourisme" moins de 1 600 et plus de 1 600 cm3 et "Grand Tourisme" moins de 1 600 et plus de 1 600 cm3.
2. Plus d'éliminatoires par classement, mais trois manches qualificatives dont l'addition des deux meilleurs temps permettra de sélectionner les douze pilotes retenus pour les finales.
3. Les finales : il y en aura trois par catégorie : Finale A (du 1er au 4e temps), Finale B (5e au 8e temps) et Finale C (9e au 12e temps).
4. La composition des grilles de départ sera faite en fonction des temps réalisés aux essais.
5. Nombre de tours : ce ne sera plus. forcément quatre tours. Le nombre de tours sera fonction de la longueur du circuit et la distance à parcourir sera de 3 à 6 000 m (avec 6 tours, une traction avant aura toutes ses chances).