Kaléidoscope...
Saison 1984
Texte et photos : Jacques Privat
 
De nombreuses nouveautés marquent cette nouvelle saison de Rallycross. Les pilotes ont profité de l'inter-saison pour construire, modifier, choisir la voiture qui leur paraissait la plus compétitive dans leur catégorie. Max Mamers, Jacques Aïta, Paul Surand, Jean-Claude Savoye et Jean Ronzel ont pris le train en marche, à Lunéville et même à Marville, quatrième épreuve du championnat de France.
 
Max Mamers, un nouveau défi

Max était déçu par sa saison 83 : une saison marquée par une polémique qu'il n'avait pas voulue. Pourtant son rush de fin de saison pour arracher un nouveau titre à la dernière course à Pau a été d'une rare intensité sportive. Max voulait changer de discipline. Les temps sont ce qu'ils sont et les budgets publicitaires se votent plus difficilement qu'auparavant. Pris de cours pour effectuer une saison de Production, Max Mamers se décida à remettre son double titre en jeu avec une autre voiture que la Matra Murena : "La deux roues motrices Matra est fabuleuse, elle se conduisait comme une F2. Nous étions arrivés à un excellent compromis. Il fallait évoluer. Avec la Citroën Visa que j'ai cette année, je repars à zéro. C'est passionnant, d'autant que je suis en concurrence directe avec la Visa d'usine de Roger Chevreton. D'ailleurs il y aura de plus en plus de différences avec celle de Roger : certains réglages, des modifications de hauteur de caisse vont faire évoluer la voiture. Le plus dur est de trouver un bon équilibre. Il faut trouver des solutions compétitives pour être dans le coup rapidement. C'est pour cela que l'on a abandonné pour l'instant l'idée du compresseur. Ici à Marville, j'ai trouvé que j'allais moins bien en finale et super finale que dans les manches qualificatives. Une seule explication la piste s'est dégradée au fil des courses. Je pense être mieux en suspension que Chevreton, surtout lorsque la piste est parfaite. Je suis content d'avoir comme challenger un pilote comme Roger ; c'est un super pilote." Max Mamers, malgré les deux premières courses de l'année sur une Citroën Visa Trophée deux roues motrices, croit dans ses chances pour un troisième titre. "A l'heure actuelle, tout le monde a encore la chance de gagner le championnat. Je pense qu'il suffira de trois ou quatre victoires pour gagner. La voiture évolue rapidement d'une semaine sur l'autre." Pourquoi pas?
 


Max Mamers (Citroën Visa Trophée)


Jacques Aïta (Audi Quattro)

Jacques Aïta, à la force du poignet

Y a-t-il dans le parc un pilote aussi déterminé, aussi motivé que Jacques Aïta ?Toujours à la recherche de la voiture idéale pour s'imposer au top niveau, Jacques Aïta a semble-t-il, effectué le bon choix pour 1984 avec un peu de retard, il est vrai. Après une année sombre en 1983 au volant d'un coupé Alfetta GTV6, avec lequel il connut une multitude de problèmes moteurs en Division 1 plus de 1600, Jacques fut barré par l'efficace Saab 900 Turbo de Goran Johansson, n'épinglant qu'une seule victoire à Essay-Alençon, contre... huit à Goran ! Très lié à Lionel d'Hondt, le préparateur VW d'Ostende en Belgique, qui lui préparait sa célèbre VW Coccinelle Turbo de 1980 à 1982, Jacques Aïta a chaussé la pointure au-dessus, une Audi Quattro. En compagnie de Marc Dousset, son inséparable ami-mécanicien, Jacques a monté son Audi Quattro à partir d'une coque nue d'Audi Coupé GT 5S dans les ateliers de Lionel d'Hondt. Sur cette voiture, il n'y a pratiquement aucune pièce d'usine : tout est étudié, fabriqué, usiné en Belgique, Un fantastique travail ! Beaucoup plus souple que les moteurs développés à Ingolstat, l' "usine à gaz" de Jacques Aïta développe une puissance voisine de 400 chevaux, variable suivant la pression du turbo (1 kg à 1,7 kg de pression !). Gêné par des problèmes d'amortisseur avant et une surchauffe moteur (le joint de culasse était en cause), Jacques Aïta s'accrocha avec la Matra Murena 4x4 de Denis Marcel en finale. Un spectaculaire double tonneau abima très sérieusement la voiture. L'arceau de sécurité, en fait une véritable cage tubulaire en alu, préserva tant bien que mal la coque. Une semaine plus tard à... Marville, Jacques Aïta était à nouveau présent. Une semaine éprouvante. Deux aller-retour Nantes-Ostende furent nécessaires pour reconstruire la Quattro. Hélas, de nouveaux problèmes moteurs empêchaient Jacques Aïta de s'étalonner par rapport à Denis Marcel. Le mal était profond : un siège de soupape cassé l'obligeait à déclarer forfait dès la première manche qualificative. Aidé par François Barto, le dynamique concessionnaire VAG Audi de Nantes, par la Sonamia et Sachs, Jacques Aïta ne désespère pas de refaire son retard au championnat. La lutte est si intense, aussi bien en Division 1 qu'en Division 2, que de nombreux pilotes vont à coup sûr se partager les victoires de catégories. Il lui reste six épreuves pour refaire son retard : tout est possible, d'autant plus que Jacques va sûrement avoir le fameux moteur à 20 soupapes
Les concessionnaires Peugeot Rhône-Alpes dans la course

Le rallycross évolue. Une usine Citroën a engagé cette année une voiture, une Visa 4x4 pour Roger Chevreton. Cela n'était pas arrivé depuis 1977, l'année où Renault Sport soutenait l'Alpine A310 V6 de Jean Ragnotti, champion de France. Cette année, en plus de Citroën, deux marques ont apporté leur aide à deux pilotes, indirectement il est vrai. Les concessionnaires Saab France aident Goran Johansson qui court sur une 900 Turbo en Division 1 plus de 1600 alors que les concessionnaires Peugeot Rhône-Alpes soutiennent Paul Surand en lui confiant une superbe 505 Turbo groupe A. Paul Surand possède une expérience non négligeable en rallycross. L'an dernier, il pilotait une Peugeot 104 ZS en Division 2 moins de 1600, une catégorie où les Alpine A310 et les Matra Murena étaient imbattables. Une manche qualificative permit à Paul Surand de mettre en relief sa valeur : c'était au rallycross du Périgord où il se permit de battre François Chauche, lui-même, sur une voiture presque identique ! Paul Surand était en pourparler pour disposer d'une Peugeot 205 Turbo 16 en rallycross. Le Peugeot Talbot Sport trop accaparé (et on le comprend !) par les deux voitures du championnat du monde de rallyes n'a pas établi pour l'instant une politique commerciale et sportive pour cette voiture à l'instar de ce que fait Renault Sport pour la R5 Turbo. De ce fait Paul Surand et les concessionnaires Peugeot Rhône-Alpes associés à Marmonier Emballages se sont rabattus sur une 505 Turbo homologuée en groupe A depuis le jeudi 7 juin, deux jours avant Lunéville ! Le moteur fut confié à Danielson, spécialiste en la matière, qui a dans un premier temps tiré 235 chevaux en attendant 300 début juillet. Courant en Division 2 à Lunéville pour cause de non homologation, la Peugeot 505 Turbo put s'étalonner face à ses concurrentes à Marville. Réalisant des temps similaires en manche qualificatives à Jean-Jacques Bénézet et sa Fiat 130 TC, Paul Surand était un peu moins vite que la Saab 900 Turbo de Goran Johansson, par ailleurs vainqueur de sa catégorie à Marville. Malheureusement, Paul Surand ne put exploiter sa troisième position sur la grille, un segment en décidant autrement. Revanche à Saint Junien, sûr... face au gratin européen.
 


Paul Surand (Peugeot 505 Turbo)


Jean Ronzel

Jean Ronzel, de la photo au pilotage

L'an passé Jean Ronzel et Patrice Josseau se sont partagés une Mini Austin en Division 3, une Division réservée aux voitures caduques et expérimentales. Dès la fin de la saison dernière, ils se sont mis au travail. En compagnie de Didier Josseau, le frère de Patrice, ils ont construit une R5 Turbo à partir d'une R5 TL de... 1973. Mais oui ! Un travail qui a nécessité 90 jours de labeur à trois personnes. Ils ont acheté tout le berceau arrière d'une R5 Turbo, tronçonné le plancher arrière de la R5 TL, ressoudé l'ensemble, adapté un 1550 cm3 Renault, monté une boîte de R12 et même envisagé une transmission intégrale. Jacky Haas, de la Somac à Verneuil-sur-Avre leur avait proposé (20 000 F) une transmission qu'il adapte sur les Renault 4 des Services Publics. Une transmission qui peut encaisser 150 chevaux au plus. Pour l'instant, par manque de budget supplémentaire, ils se contentent d'une propulsion arrière. A Lunéville, Jean Ronzel tournait pour la première fois dans la R5. De menus problèmes de mise au point, plus quelques soucis de freinage à Marville ne l'ont pas empêché de terminer treizième d'une catégorie où l'on compte vingt trois voitures au départ. De par son métier - il est photographe -  Jean Ronzel, qui est le fils de Jean-Pierre Ronzel le créateur de la revue Porsche Club, a pu réunir un budget auprès de sociétés travaillant pour la presse. Ainsi l'imprimerie Trouillot, les Vidéos Marc Dorcel lui ont permis de mener à bien leur entreprise. Savoye, Point, Ronzel, trois R5 Turbo sans turbo. La mode à l'envers...
 
Jean-Claude Savoye, l'expérience de l'Autocross

Outre son magnifique soleil au rallycross de Pau, la dernière course de l'an passé au volant d'une vieille berlinette 1 550 cm3, Jean-Claude Savoye a laissé un autre souvenir aux pilotes de rallycross. Ses superbes chronos dans les manches qualificatives, des chronos comparables à ceux de Denis Marcel qui se battait pour la première place du championnat de France avec son Alpine A310 Politecnic équipée pour l'occasion d'un 1800 cm3 Mignotet. Impressionnant ! Cette année Jean-Claude a racheté la première R5 Turbo de Raymond Touroul, celle-là même qui était partie sur le toit à Lunéville, le circuit fétiche du grand Raymond ! Il a tout refait. 700 heures de travail ! Tant et si bien qu'il ne put se présenter qu'à la quatrième course du championnat de France, à Marville. Son moteur est toujours un 1 550 cm3 préparé par Michel Gobert, le successeur de Pierre Ferry, le préparateur d'Asnières. Le tout est accouplé à une boîte Renault 12 Gordini à la pignonnerie rallye. Spécialiste de l'Autocross de 1979 à 1982 sur une berlinette, Jean-Claude Savoye possède un sens de l'attaque peu commun. Habitué à faire 10 ou 15 tours en compagnie de 10 à 12 voitures, Jean-Claude Savoye n'a pas eu de peine pour courir avec cinq voitures sur quatre tours. Tout comme Jacques Frémiot ou Jean-Pierre Demoisson, c'est l'attaque permanente durant quatre tours. Pour ses tous premiers tours de roues dans cette R5, Jean-Claude Savoye "osa" pendant un demi-tour doubler Max Mamers dans la seconde manche qualificative. Ses performances du week-end lorrain lui permirent de s'immiscer entre les deux Visa de Chevreton-Mamers et celle de Touroul. Un remarquable exploit. Jean-Baptiste Point, le précurseur en matière de R5 Turbo atmosphérique en est contrarié, si bien qu'il va sûrement faire une pose d'un mois pour équiper sa R5 Turbo 1600 atmosphérique d'un nouveau 1600 à injection et carter sec avec en plus une transmission intégrale... Soutenu par Yacco et Pierre Ferry SA qui lui entretient deux moteurs pour la saison 84, Jean-Claude Savoye devrait nous étonner. Pourra-t-il contrer les Citroën Visa 4x4 de Chevreton, Mamers et Touroul. Seule une piste rapide et sèche, comme celle d'Essay Alençon pourrait lui convenir.


Jean-Claude Savoye