Coupe
inter-nations (13 et 14 juillet 1996) |
Saison 1996 |
Avant la course... |
Texte : Jacques
Privat - Photos : R.D |
Le rallycross endeuillé En plus de vingt saisons de rallycross, en France et en Europe, jamais nous n'avions connu pareille catastrophe : une voiture est sortie de la piste, tuant cinq spectateurs et en blessant plus de quarante, dont dix très grièvement. C'est une tragédie pour le sport automobile en général, et le rallycross en particulier. Tout le monde se faisait une joie de participer à cette seconde Coupe Inter-Nations disputée en France. Notre équipe nationale avait remporté ce titre honorifique sur ce même circuit, en 1995, dans une ferveur populaire exceptionnelle. Les six protagonistes 96, fiers de représenter dignement leur pays, avaient à coeur de renouveler cet exploit. Les essais libres du samedi, et ceux chronométrés du dimanche matin annonçaient que la fête, en ce jour de 14 juillet, serait belle pour nos compatriotes. Hélas, un effroyable accident a jeté l'apocalypse sur le circuit d'Essay. Voyons la triste chronologie des faits. En début d'après-midi, le public, venu en nombre comme l'an passé, a bruyamment manifesté son mécontentement (dans la partie haute du circuit) à cause du nuage de poussière soulevé par les séries de huit voitures et qu'un très léger vent rabattait sur eux. Certains sont descendus sur la piste pour montrer leur colère, et deux personnes se sont même assises sur la trajectoire entre deux départs ! Cette colère était - parait-il - relayée par quelques teams managers et les pilotes étrangers qui demandèrent à ce que la piste soit humidifiée à cet endroit avant chaque série. Ainsi, avant la première série de la première manche qualificative de Division 2, l'arroseuse entrait en action. Une manche que Christian Ménier remportait au prix de quelques glissades bien contrôlées. |
![]() |
![]() |
![]() L'accident en trois photos : la Mégane de Philippe Chanoine monte sur le talus qui, contrairement à la règlementation en vigueur, n'est pas suffisamment vertical. |
Même scénario
avant que de nouveaux pilotes ne prennent la piste. Mais personne,
semble-t-il, ne mesurait cette fois la quantité d'eau déversée qui,
manifestement, ne put être absorbée par le sol. Au départ de cette seconde
série, tous les pilotes étaient bien sûr chaussés de pneus slicks. Au feu
vert, le Belge Jos Sterkens (Ford Mondeo turbo 4x4) prenait l'avantage sur
Philippe Chanoine (Renault Mégane Quadra), suivi par six autres voitures.
En arrivant sur cette partie du circuit (généralement abordée à près de
170 km/h), avant l'épingle droite en dévers, Sterkens était surpris au
freinage par le peu d'adhérence. "C'était comme du verglas"
dira-t-il sur son lit d'hôpital au journaliste de TF1. Totalement en
sous-virage, Sterkens touchait sèchement le talus mais restait
heureusement sur la piste. Dix mètres derrière, le second pilote, Philippe
Chanoine, tout aussi surpris par ce cruel manque d'adhérence et aveuglé
par un pare-brise maculé de boue, escaladait le talus et touchait
violemment un groupe compact de spectateurs avec l'arrière de sa Mégane
avant de redescendre sur la piste. Il est terrible de penser que c'est le
choc qui a renvoyé la Mégane en contrebas... On n'ose imaginer le plus
grand désastre si la voiture avait continué sa course sur le chemin qui
surplombe le circuit... Derrière, les six autres pilotes, tous aussi stupéfaits, s'entassaient les uns dans les autres, et même sur les autres. Parmi les spectateurs, le bilan était terrifiant : cinq morts, dix blessés graves, plus une trentaine de personnes plus ou moins atteintes. Le Plan Rouge était déclenché par les autorités, et trois hélicoptères ainsi qu'une dizaine d'ambulances évacuaient les blessés vers les hôpitaux d'Alençon et de Mortagne-au-Perche. Les conséquences Quelques jours après ce drame, "récupéré" comme il se doit par nos "grands média" TV et radios (!), loin de nous l'idée de tirer des conclusions trop hâtives. Il est un fait que les circuits sont dûment homologués par la FFSA, selon des normes précises, ce qui a été confirmé par le Préfet de l'Orne, Bernard Tomasini : "En matière de sécurité, le circuit d'Essay peut-être cité en exemple. Nous avions il y a un peu plus de deux ans demandé aux organisateurs de renforcer les normes de sécurité. Ils avaient satisfait à cette demande. Le circuit est donc conforme aux normes et à la réglementation en vigueur. Il avait reçu l'aval de la FFSA ainsi que de la Commission Départementale de Sécurité Routière il y a une dizaine de jours". Toutefois, une information judiciaire est en cours pour déterminer très exactement les causes et les responsabilités dans ce dramatique accident. S'il est vrai qu'à l'exception de Philippe Hamer, grièvement blessé sur le circuit du Creusot en 1989, nous avons, par bonheur, été épargnés de tout accident grave en ce qui concerne le public depuis la création du rallycross en France, la FFSA, et surtout la Commission de rallycross, doivent sans doute travailler afin de revoir certaines règles techniques applicables aux circuits mais aussi aux voitures. Une réévaluation des risques actuels pour proposer dès maintenant des normes de sécurité encore plus draconiennes. Cet accident impose désormais de tenir le public à une distance plus grande de la piste ou de mieux le protéger au moyen de murs, rails ou grillages, tout en conservant - autant que faire se peut - la convivialité et le côté proche de ces courses. Une mesure valable pour le rallycross, mais aussi pour toutes les disciplines qui se déroulent sur des circuits en terre battue (auto-cross, crosscar et fol car). Peut-être devrons-nous également nous interroger sur le développement actuel des voitures, notamment celui des Maxi-Tourisme, et envisager un limiteur de régime et/ou une bride de turbo, bien que le facteur puissance n'entre en rien dans cet accident. Un accident qui, en faisant la "une" des journaux télévisés, a trop largement médiatisé - dans le mauvais sens du terme - une discipline appréciée par un nombreux public. Une situation qui peut entraîner des conséquences désastreuses pour l'organisation des épreuves de fin de saison, mais aussi pour le championnat 97. Afin que cela ne soit pas le cas, souhaitons que, tous unis (FFSA, organisateurs, pilotes, speakers et médias), nous puissions œuvrer dans le bon sens. La meilleure façon, semble-t-il, de rendre hommage aux cinq spectateurs qui ont payé de leur vie leur passion pour le rallycross, mais aussi à leurs familles, ainsi qu'aux nombreux blessés, sans bien évidemment oublier le malheureux Philippe Chanoine, à jamais marqué par ce drame. |