Divisions d'honneur | |||
Saison 2003 | |||
Texte
: Pierre Gary - Photos : Philippe Maitre |
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La
saison de rallycross a rendu son verdict, il était temps de jauger les
protagonistes. Sur la piste de Dreux, nous avons pris le volant des deux
rivales terribles qui ont dominé la Division 2, la Honda et la Clio RS,
alors que les Xsara et Clio "Esprit WRC" ont représenté la Division 1, la
catégorie reine de la discipline. Moteurs ! Le Rallycross, c'est de l'adrénaline garantie, autant pour les pilotes que pour les spectateurs : manches courtes, rythme endiablé, bagarre à tous les étages. Si la vocation de la discipline est essentiellement tournée vers les amateurs, notamment grâce à des meetings concentrés sur le week-end et à une réglementation technique libérale et bien adaptée, le plateau de qualité génère des luttes acharnées et spectaculaires. Les voitures répondent à des spécifications, quelle que soit la catégorie. Nous nous sommes penchés sur les deux divisions les plus représentatives de la discipline, la première réservée aux voitures de Production, la seconde regroupant les "WRC façon rallycross", le haut du panier de la spécialité. La Production peut être assimilée à un Groupe N "Plus", bénéficiant de quelques largesses en supplément de la marge de préparation, déjà généreuse, accordée par l'Annexe J. Deux points, essentiellement, sont touchés par la réglementation particulière. Le poids, d'abord, ne respecte plus la fiche d'homologation du modèle concerné mais suit un barème établi en fonction de la cylindrée. Ainsi, les voitures de la classe 2 litres sont logées à la même enseigne avec un poids minimum fixé à 1050 kg. Le moteur, ensuite, principalement en ce qui concerne les arbres à cames et leur profil, dispose d'une certaine liberté permettant un gain de puissance et de couple. Cette réglementation offre l'avantage de niveler les écarts sans pour autant bousculer la hiérarchie logique. Le grand jeu, c'est pour la Division 1. Cette dernière s'inspire, on le sait, du WRC en vigueur dans les rallyes, avec cependant des différences notables visant à simplifier la construction des voitures tout en jugulant les coûts. La différence majeure touche l'architecture qui autorise l'implantation longitudinale de la mécanique, permettant l'utilisation d'une transmission en ligne. Cette dernière, en outre, doit impérativement s'appuyer sur des différentiels mécaniques, à l'exclusion de tout système piloté. Les spécifications de la division reine ont subi de récentes retouches pour limiter la puissance. La bride de 45 mm étranglant l'admission a été supprimée, remplacée par une limitation au même diamètre du turbo. Cette mesure, faisant chuter la puissance d'une bonne soixantaine de chevaux, a non seulement rendu les autos plus homogènes mais s'est montrée bénéfique pour la fiabilité générale, notamment des transmissions souvent débordées par un souffle trop généreux. En outre, il faut noter que les dispositifs de postcombustion, le "bang-bang" pour les intimes, sont rigoureusement proscrits. Ces deux catégories, les Divisions 2 et 1, peuvent être considérées comme le vivier et le souffle du rallycross français. Et c'est le lendemain de l'épreuve de Dreux, l'avant-dernière de la saison, que nous avons organisé notre petite séance de prise en main. |
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Division 2 : les sœurs ennemies | |||
![]() Renault Clio RS de Philippe Solaire |
![]() Honda Civic Type-R d'Eric Guillemette |
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La
Honda Civic R d'Eric Guillemette et la Clio RS de Philippe Solaire se sont
battues jusqu'au bout. Et si la Renault l'emporte au championnat, ce n'est
qu'avec un minuscule point d'avance. C'est dire si nos deux protagonistes se
sont frictionnées toute la saison ! La Civic d'Eric Guillemette représente
le sang neuf de la catégorie. Eric a inauguré l'auto en début d'année,
considérant 2003 comme une année d'apprentissage et de développement.
La préparation de la Japonaise n'a pas été simple et a suivi plusieurs
étapes. La coque, tout d'abord, est l'œuvre de Lambert Racing tandis que le
moteur, conservant le système V-Tec, est dû à LAD. L'équipe de Christian
Dieu a effectué un gros travail sur la culasse et la gestion Motec pour, en
gagnant une vingtaine de chevaux, en extraire 220 à 8 000 tours et un couple
de 23 mkg à 5 300 tr/mn. Si la boîte à six rapports synchronisés de série
est conservée, un couple court et son autobloquant, venus d'Italie,
complètent la transmission. Des jantes spécifiques Team Dynamic, de 7 pouces
de large par un exceptionnel diamètre de 17, sont utilisées alors que les
freins d'origine sont conservés. Olivier Bossard signe les amortisseurs,
comme sur la plupart des voitures de rallycross. Du côté de la balance, un
petit handicap s'est révélé avec un poids de 1 110 kg, bien supérieur aux 1
050 autorisés. La Honda a, d'emblée, montré un potentiel prometteur en
signant des temps extrêmement flatteurs mais de nombreux petits soucis de
fiabilité ont entravé les courses. Au final, la Japonaise prenait
l'ascendant sur sa rivale française, mais il était trop tard. Les évolutions
prévues par Eric Guillemette pour l'an prochain, avec un gros travail sur
les trains roulants, une cure d'amaigrissement et, surtout, une nouvelle
boîte à crabots, autorisent tous les espoirs pour 2004 ! La Clio RS de Philippe Solaire, en revanche, est une valeur établie et éprouvée. Championne de France 2003, cette voiture se montre très aboutie mais son développement n'est pas loin d'avoir atteint son apogée. Montée chez Renault Chartres Compétition par l'équipe de Jean Dionnet, l'auto est une base de "Phase 1 ". En effet, cette première mouture a été préférée à la "Ragnotti" car elle ne dispose pas d'un papillon d'accélérateur piloté et son faisceau, traditionnel, n'est pas multiplexé : on se complique moins la vie à l'atelier... Le moteur, confié aux bons soins de Cupissol, dispose d'arbres à cames spécifiques "rallycross" et d'une gestion "maison". Grâce à ce traitement, la puissance, avec 195 chevaux à 7 000 t/mn, dépasse d'une dizaine de chevaux celle d'une bonne Groupe N. La transmission utilisée n'est autre que la boîte 5 à crabots homologuée par Renault Sport Technologies, avec l'autobloquant, les cardans et les demi arbres ad hoc. Par rapport à sa rivale japonaise, la Française se montre plutôt légère avec un poids de 1 072 kg proche du minimum légal. Philippe Solaire, ravi de l'homogénéité de son auto, s'est permis de signer huit fois la pole en finale sur dix courses. Un petit exploit d'autant qu'il n'a jamais connu le moindre pépin mécanique durant toute la saison. Quant au coût de la championne, il s'élève à 42 700 € hors taxes, roulante et dotée de pièces de rechange. |
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Division 1 : la sauce piquante | |||
![]() Citroën Xsara WRC de Jean-Claude Lemoine |
![]() Renault Clio RS WRC de Christophe Vaison |
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Avec
la Xsara de Jean-Claude Lemoine, on aborde le haut du panier, plutôt
pimenté. Et lorsque l'on évoque ces autos qui répondent à "l'esprit WRC", on
ne parle plus de préparation mais bien de construction. En effet, la coque
de base doit subir de profondes modifications pour accueillir la
transmission à quatre roues motrices et le moteur longitudinal. Bien
qu'agent Ford dans le civil, Jean-Claude a opté pour la Citroën pour une
question d'approvisionnement en pièces, moins compliqué avec la marque
française. Cette Xsara fut construite dans ses ateliers l'an passé pour la
faire débuter cette saison. Le moteur représente la pièce maîtresse, un 2
040 cm3 emprunté à la ZX Grand Raid. Cette mécanique, gavée par
un turbo Garrett de 45, est gérée par un boîtier Magneti Marelli MF3M dont
la cartographie a été étudiée par la SNBE. Délivrant 400 chevaux à 7 800
tr/mn et un couple de 60 mkg à 5 500, ce quatre cylindres se montre
quasiment indestructible, en grande partie grâce à la bonne gestion
électronique. Heureusement car les pièces commencent à se faire rares... Du
côté de la transmission, Jean-Claude Lemoine fait confiance à Sadev avec une
boîte séquentielle à six rapports qui, selon le pilote, se révèle être le
point faible de l'auto sur le plan de la fiabilité, notamment en ce qui
concerne l'embrayage. Trois différentiels mécaniques, avec blocage possible
du pont central, distribuent la puissance aux roues. Les suspensions font
appel à quatre McPherson ("ça fonctionne en WRC, on ne va pas réinventer
la poudre", commente le constructeur-pilote) et à des amortisseurs
Proflex mis au point par Olivier Brossard. Pour ralentir les 1 150 kg (pour
1 120 autorisés) de la Citroën, des freins AP Racing à quatre pistons
pincent des disques de 310 mm de diamètre. La réalisation de la Xsara a
nécessité un budget de près de 305 000 €, une paille ! Passons maintenant à la Clio de Christophe Vaison, encore auréolée de sa victoire de la veille lors de la course de Dreux. Une fois encore, cette superbe réalisation a nécessité un travail en plusieurs étapes. La coque vient de chez Fochesato alors que les établissements Vaison se sont chargés du montage, de la carrosserie, de l'assemblage et de la mise au point. Le moteur, un Mégane turbo d'origine, a été intégralement repensé, utilisant de nombreuses pièces spécifiques de diverses provenances, comme des pistons venus d'Italie, un vilebrequin usiné en Angleterre et un turbo Garrett emprunté à la ZX Grand Raid. La gestion du moteur est assurée par Denis Foussart qui a réussi à extraire 426 chevaux et 72 mkg de cette mécanique. Christophe, après avoir essuyé quelques déboires avec les boîtes Sadev, a opté pour une transmission séquentielle Maillard à cinq rapports. Originalité de la Clio, le différentiel central est supprimé et seuls subsistent les ponts arrière et avant. "Cela fonctionne parfaitement lorsque l'auto est bien réglée", commente Christophe Vaison. Pas de surprise, en revanche, pour la suspension qui généralise les McPherson avec des amortisseurs Proflex. Un important travail de mise au point a été réalisé sur le châssis qui se révèle extrêmement efficace et, selon les voeux du pilote, très directionnel. Christophe, qui soigne autant la performance que le confort de conduite, a installé une direction assistée avec une pompe de kit car. "Je pense que nous ne sommes pas loin de la vérité avec cette voiture", estime le pilote, à juste titre lorsque l'on analyse ses performances. Conclusion Les voitures de rallycross, répondant à une réglementation spécifique, laissent encore une large place à l'imagination des constructeurs et des préparateurs. Enthousiasmantes par leurs performances et leur homogénéité, elles offrent, en prime, et c'est là l'essentiel, un immense plaisir de pilotage. De plus, spectaculaires, elles proposent au public une prestation de qualité. l'équilibre est bien présent, conservons-le du mieux possible ! |